Le concept d’intrapreneuriat est né aux États-Unis, dans les années 70. C’est Gifford Pinchot qui, le premier, invente le mot et en définit les premiers aspects. Ainsi, l’intrapreneuriat est un processus qui permet à un employé d’adopter des comportements et des pratiques entrepreneuriaux au sein de son entreprise, afin de développer de nouveaux produits, services, technologies, activités, etc.

En 2008, une nouvelle définition a été donnée par Advancia. Elle place l’employé entrepreneur au centre du processus d’entrepreneuriat. L’intrapreneur est alors considéré comme  « le membre d’une grande entreprise qui, en accord avec elle et tout en restant salarié de son entreprise, possède un projet viable, intéressant, en lien avec l’entreprise et qu’il peut réaliser en son sein. Il est celui qui transforme une idée en activité rentable au sein d’une organisation».

L’intrapreneuriat, c’est quoi ? Définition et concept

L’intrapreneuriat est une articulation ou du moins un prolongement de l’innovation participative, phénomène également né dans les années 70. On peut la définir comme « une démarche de management qui vise à stimuler et à favoriser l’émergence et la mise en œuvre d’idées par l’ensemble du personnel – non expert en innovation – en vue de créer de la valeur ajoutée et de faire progresser l’organisation ».

Elle se différencie de l’intrapreneuriat dans la mesure où une simple boîte à idée peut être considérée comme de l’innovation participative là où l’intrapreneuriat nécessite plus d’investissements, humains et financiers, de processus et de volonté. En effet les lenteurs et la bureaucratie qui peuvent exister au sein des grandes structures sont souvent en opposition avec les méthodes agiles inhérentes à l’entrepreneuriat.

Dans son ouvrage, De la créativité à l’intrapreneuriat (1997), C.Carrier  liste les différences qui existent entre l’intrapreneuriat et l’entrepreneuriat et résume ainsi les difficultés qui existent lors d’une initiative en interne. Le tableau ci-dessous résume ces principales différences.

Entrepreneuriat Intrapreneuriat
  • L’entrepreneur travaille pour lui-même
  • L’entrepreneur s’adapte et interagit avec
  • son milieu
  • L’entrepreneur peut imposer
  • L’entrepreneur risque ses avoirs financiers
  • L’entrepreneur décide de sa rémunération
  • L’entrepreneur peut décréter ce qui sera fait
  • L’intrapreneur est au service d’une
  • organisation
  • L’intrapreneur doit s’adapter à son milieu
  • L’intrapreneur doit convaincre
  • L’intrapreneur risque sa crédibilité
  • L’intrapreneur se voit imposer son salaire
  • L’intrapreneur doit «négocier» ce qui doit être fait

L’intrapreneuriat nécessite donc un terreau favorable pour être efficient en entreprise. Pour que celui-ci soit fertile, il est nécessaire que la direction de l’entreprise s’engage et valorise les initiatives de ses employés. Cela peut s’effectuer à travers des attitudes et des déclarations relayées par les outils de communication interne mais également par l’établissement d’un lien direct avec les intrapreneurs. Ce lien facilitera alors l’accès aux ressources et une meilleure visibilité.

L’intrapreneuriat, un levier de croissance et de différenciation

Tablet in handsLes entreprises ont tout intérêt à favoriser l’intrepreneuriat, car si la majorité d’entre elles disposent de division de recherche et développement, l’organisation, souvent rigide et stratifiée des grands groupes peut freiner l’innovation. Au contraire de l’intrapreneuriat qui, comme l’explique V.Bouchard,  « travaille de façon moins formelle et prend la responsabilité complète du projet, sans forcément de transfert d’un département à l’autre». Le processus décisionnel est donc simplifié et plus rapide. L’entreprise réduit ainsi sensiblement le temps nécessaire au développement d’un produit ou service.

En plus de cette faculté de l’intrapreneuriat à favoriser l’innovation au sein des entreprises, plusieurs autres apports sont à mettre au compte de l’entrepreneuriat interne.

  1. Encourager les comportements entrepreneuriaux et créer une émulation au sein des employés qui peut donner forme à plusieurs projets et à long terme faire évoluer la culture d’entreprise.
  2. Favoriser des innovations radicales pour les grandes entreprises, usuellement plus à l’aise avec des innovations incrémentales. À terme cela permettra de faire économiser de l’argent à ces groupes qui ont pour habitude d’acquérir les start-ups innovantes dans leur secteur. En d’autres mots, plutôt que de racheter des start-up, mieux vaut les créer en interne !
  3. Retenir et attirer les talents. Un peu plus de 55% des 18-34 ans souhaitent entreprendre aujourd’hui en France. Mettre en place des structures intrapreneuriales permettrait alors d’attirer les talents et de retenir les salariés à l’âme entrepreneuriale et qui souhaiterait créer leur entreprise.
  4. Développer un engagement fort auprès des salariés. La culture intrapreneuriale est très généralement un facteur de fierté d’appartenance et d’engagement chez les employés qui sont ainsi placés au cœur de la stratégie d’innovation de l’entreprise. À travers la réalisation de projet personnel, il devient alors parfaitement possible de s’accomplir au travail. L’intrapreneuriat, ou comment réconcilier Marx et Maslow !

Des initiatives lancées dans plusieurs secteurs

Plusieurs projets intrapreneuriaux ont été menés à bien au cours des 30 dernières années. Certains sont devenus d’énormes succès mondiaux, d’autres ont permis de totalement changer le système interne de leur entreprise. Tous sont nés au sein d’entreprises disposant d’une forte culture d’intrapreneuriat, aux environnements flexibles et qui encouragent les initiatives individuelles.

Le premier exemple de réussite, et probablement le plus connu, remonte à la fin des années 1970, avec la création du fameux Post-it de la société 3M. Le papillon adhésif présent sur tous les bureaux du monde est en effet issu d’un intrapreneur, Arthur Fry. Ce dernier eu l’idée d’utiliser un adhésif «qui ne colle pas vraiment» et qui fut inventé par erreur par un autre chimiste de 3M. À l’origine l’objectif était de marquer les pages de ses partitions de chorale, mais voyant le potentiel de ces petites notes de papier, A. Fry décide de proposer une industrialisation à sa direction. Celle-ci l’accompagne dans la réalisation d’un échantillonnage massif pour tester le produit… La suite, on la connait !

Cette innovation a été permise par le management et l’organisation de la société américaine qui laisse du temps libre à ses employés à travers le concept du 70/20/10. 70% de leur temps est consacré à leurs tâches, 20% à l’amélioration de cette  tâche, 10% à leurs projets personnels. Google a d’ailleurs repris ce concept en instaurant un système de 80/20, qui permet à ses salariés de consacrer 20% de leur temps de travail à des projets personnels. Google Maps et Gmail sont notamment nés de ce temps alloué à l’innovation.

fiannceEn France, les premières initiatives sont apparues à la fin des années 90, et là aussi de belles histoires existent. En banque notamment,  à travers Emmanuel de Lutzel, employé de la BNP Paribas. Membre de l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique), il eut l’idée en 2004 de mettre à contribution son entreprise pour lancer un projet mondial de microfinance en  finançant des institutions de microcrédit. Après avoir présenté son idée au n°3 de la BNP Paribas puis à l’ensemble du comité exécutif, il obtient la validation de sa direction et devint responsable microfinance du groupe. Dix ans plus tard, son projet a permis d’accompagner 1,5 million de micro-entrepreneurs dans le monde entier.

Ces success-stories se retrouvent dans tous les secteurs d’activités. Ainsi, le programme affordable housing de Lafarge, qui permet un meilleur accès au logement via notamment des microcrédits, est né de la rencontre entre Jean Desazars, directeur de la stratégie, et François Perrot, stagiaire à la communication. Aujourd’hui les projets recouvrent une quinzaine de pays et sont rentables. On pourrait également évoquer dans le secteur agroalimentaire, le projet Grameen-Danone qui lutte contre la malnutrition en Asie, ou encore l’initiative menée par Veolia à travers son projet Innove, qui permet un accès à l’eau potable au Bangladesh.

Comme l’explique Emmanuel de Lutzel dans son livre, Transformez votre entreprise de l’intérieur ! Le guide de l’intrapreneur social, coécrit avec Valérie de La Rochefoucauld Drouâs, « l’intrapreneuriat émane à chaque fois d’un double mouvement : à la fois une dynamique bottom up, car il faut une proactivité de la part des collaborateurs, et un engagement top down, car il faut une DG qui y croit ». De nombreuses opportunités existent au sein des entreprises, mais pour les saisir, il est nécessaire d’instaurer un environnement qui permet la prise d’initiatives et favoriser la créativité et l’innovation de tous !

L’intrapreneuriat en assurance, un processus qui peine à s’installer

Insurance on Red Keyboard Button.Malgré ces nombreuses initiatives présentes dans plusieurs secteurs différents, l’assurance reste quelque peu en retrait en termes d’intrapreneuriat. En effet, peu de projets entrepreneuriaux sont mis en avant par les assureurs qui ont tardé à mettre en place des structures favorisant l’innovation interne.  La majorité des assurances optent plutôt pour des méthodes d’open innovation, notamment via des concours et des compétitions de start-ups. L’objectif étant de capter les produits, technologies ou idées de start-ups innovantes mais extérieures à l’entreprise. Une autre tendance très présente chez les assureurs consiste à créer des laboratoires d’innovation ou «Labs». BNP Paribas Cardif, Axa, Allianz, Covea… Beaucoup s’y sont mis. Ces espaces mettent à disposition une grande variété d’outils afin de favoriser l’innovation dans le domaine du digital. Mais là encore, les innovations restent extérieures à l’entreprise. Elles sont pour la plupart juste exposées dans les showrooms des laboratoires, à l’instar des Google Glasses qui ont pu être testées au Cardiff Lab. Par ailleurs, ces Labs sont très souvent créés dans des environnements externes à l’entreprise, où de nombreux acteurs extérieurs (clients, partenaires, investisseurs…) peuvent contribuer.

On peut donc se demander comment une innovation qui a lieu dans un environnement clos et externe peut réellement impacter l’entreprise.

Par ailleurs, on note que même des entreprises telles que le Crédit Agricole, qui a rédigé un livret blanc sur l’intrapreneuriat en 2014, n’ont pas de projet phare en la matière. Le bancassureur qui figure parmi les leaders du secteur dans le domaine de l’innovation articule principalement sa démarche autour de FAURECIA, un « fond d’investissement créé dans une perspective d’innovation » et du CA Village qui est le laboratoire d’innovation du groupe. Selon Benoit Bourdin, en charge de FAURECIA en tant que Corporate Venture Manager au Crédit Agricole, l’objectif du Village est « d’acculturer l’ensemble des collaborateurs à l’innovation et au digital ». Ainsi, selon lui, la présence de start-up permettra « d’instiller un esprit entrepreneurial à l’ensemble du groupe ».

La notion de culture d’entreprise est en effet primordiale dans le développement d’un projet intrapreneurial. Il est nécessaire que cette culture soit ouverte à l’innovation et à la mise en avant de projets personnels pour que des initiatives soient lancés et accompagner. La mise en place des Labs  peut dont constituer une première étape dans cette évolution de culture chez les assureurs.