Pour les analystes de la Banque Mondiale: « La croissance économique en Afrique subsaharienne devrait atteindre plus de 5 % en moyenne en 2013-2015 ».[1] Fort du constat selon lequel le  dynamisme économique s’est presque toujours accompagné d’une prise en compte de la gestion des risques inhérents, il paraît surprenant d’observer que le Risk Management (RM[2]) peine fortement à démarrer en Afrique subsaharienne.  Fortement implémenté aux Etats-Unis et en Europe dès la période industrielle, le métier de risk manager reste pourtant quasi inexistant surtout en Afrique francophone.

Cette étude a pour objectif d’examiner les raisons de cette très lente pénétration pour mieux envisager les solutions pour y remédier.

Continent souvent assimilée à un pays ou à un ensemble d’Etats homogènes et identiques, l’Afrique et surtout l’Afrique subsaharienne, semble tenir sa revanche.

Elle connaît un taux de croissance moyen de 5% porté par une démographie en permanente évolution et une urbanisation galopante et effrénée. Cette croissance, bien qu’inégalitaire et instable, reste tout de même soutenue. Or, malgré ces chiffres flatteurs et des prévisions plutôt optimistes, le RM tarde à s’implanter en Afrique.

 

« Ce n’est pas l’Afrique qui refuse le Risk management mais c’est ce dernier qui ne parvient pas à s’implanter en Afrique[3] »

 

RiskTelle est la pensée de certains théoriciens et praticiens du Risk Management, originaires de ce continent tel, M. Jokung Nguéna. En effet pour ces

experts, une transposition littérale des concepts assuranciels et de gestion des risques tels qu’exercés en Europe ou aux Etats-Unis s’avère complexe, voire impossible car ces concepts sont inadaptés à la culture et à la perception du risque en Afrique.[4]

Sans complètement rejeter cette affirmation, il convient tout de même d’observer que diverses techniques de gestion des risques ont été développées par les populations à travers l’Afrique dans l’histoire ; telles que la gestion des évènements et fluctuations climatiques (grandes sécheresse) ; l’organisation des convois et des caravanes ; la capacité à dompter la nature pour cultiver, se loger et se déplacer. Techniques qui démontrent que la gestion des risques en Afrique n’a pas attendu le RM pour s’exercer.

 

Des structures commerciales incompatibles avec le Risk Management

Les freins à l’intégration et à la mise en route du RM en Afrique, malgré la croissance, peuvent s’expliquer par deux facteurs : la structure des entreprises qui y exercent et le manque de ressources humaines.

La croissance de l’Afrique étant portée par la hausse des cours des matières premières et l’évolution d’une agriculture de produits de rente voués à l’exportation (cacao, café, hévéa, huile de palme), les entreprises qui y travaillent sont tournées vers l’importation. Les produits du sol et du sous-sol exploités localement sont sommairement transformés avant exportation. Les structures mises en place pour effectuer cette transformation sont légères et dépendent le plus souvent d’une multinationale. Cette stratégie industrielle a deux conséquences :

  • Une centralisation du RM dans les sièges établis aux États-Unis et en Europe,
  • des structures commerciales locales éphémères.

D’une part, les entreprises industrielles et les grandes multinationales qui exploitent les matières premières en Afrique, ont tendance à centraliser la gestion des risques auprès de leurs sièges. Et lorsqu’un Risk Manager ou un gestionnaire des risques et assurances est nommé dans une filiale de ces groupes en Afrique, le plus souvent il vient du Siège avec souvent très peu de connaissances et d’expériences locales.

Le Risk Manager expatrié, « ambassadeur du Risk Manager corporate», n’aura plus qu’à appliquer la politique de gestion des risques prônée par le siège. Lorsque le besoin se fait sentir, il peut aussi se faire accompagner par un expert en assurance local ou un juriste. Il apparait dès lors que la culture du risque et l’appropriation des concepts du Risk Management par les pays en question est compromise. Corporate identity scribble

D’autre part, pour satisfaire la consommation locale orientée vers les produits importés, les entreprises africaines comme les multinationales vont mettre sur pieds des chaînes d’assemblages et de vente qui vont s’apparenter souvent à des commerces avec des structures assez éphémères au sein desquelles une fonction de Risk Manager pourrait paraître superflue.

Ces pratiques courantes dans les grands groupes occidentaux et asiatiques présents en Afrique, se justifient aussi du fait d’un déficit ou d’un manque de compétences locales en matière de Risk Management.

Un manque de ressources humaines en la matière

L’Afrique souffre d’un manque endémique de compétences en matière de gestion des risques et des assurances. Un parcours rapide des cursus des grandes universités sous régionales à l’instar de l’Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC) qui forme les contrôleurs de gestion de l’Afrique Sub-Saharienne par exemple, suffit pour comprendre qu’il existe très peu de formation de haut niveau qualifiante, diplômante et/ou professionnelle en assurance et en Risk Management dans la sous-région. Seul l’Institut International des Assurances (IIA) qui forme les cadres sous régionaux en assurances, proposent quelques heures d’initiation au Risk Management à ses étudiants plutôt orientés assurances. Il s’ensuit dès lors une quasi-inexistence de compétences locales en la matière. Et même les assureurs et les courtiers  qui y exercent et qui auraient pu être les têtes de proue de cette évolution sont à la traîne. Très peu d’assureurs et de courtiers, mettent en place des services de Risk Management censés accompagner les entreprises et organisations en matière de gestion de leurs risques.

Cette attitude qui pourrait friser le manque de courage et de volonté s’explique plutôt par une attitude emprunte de pragmatisme. Les assureurs et courtiers locaux n’auraient pas d’intérêt à monter des équipes de risk management parce que la demande locale est plutôt embryonnaire.

Au final le risk Management prendra vraiment pieds en Afrique lorsque la structure économique évoluera ; Lorsque les multinationales traiteront et African business team with world maptransformeront localement les matières premières qu’elles exploitent en produits finis ; Lorsque la consommation locale sera plus interne ; Lorsque l’offre d’assurance locale sera à même de porter les risques des grands groupes et organisations ; Lorsque des experts en la matière pourront être formés localement pour intégrer dans ce métier leur culture[5].

[1] Rapport d’Africa’s Pulse « An analysis of issues shaping Africa’s economic future » rédigé par les économistes spécialistes de la région Afrique de la Banque mondiale suivants : Punam Chuhan-Pole, (Team Leader), Luc Christiaensen, Manka Angwafo, Mapi Buitano, Allen Dennis, Vijdan Korman, Aly Sanoh and Xiao Ye – Avril 2013

[2] Le Risk Management dont il est question dans cette article touche à la Gestion des risques aléatoires compris dans les sens assuranciels dans les grands groupes Industriels, commerciaux et dans les services ainsi que dans les organisations

[3] Voir l’ouvrage de Octave Jokung Nguena « Le management des risques en Afrique » « Réalités et perspectives » Editeur : Afrique Edition (Groupe Afrique Challenge), Casablanca Maroc

[4] Voir : « Risk management : Une fonction qui prend difficilement » du 1er Quotidien économique Marocain : L’ECONOMISTE : Édition N° 4001 du 2013/04/02 – Article de Aziza EL AFFAS)

[5] Autres sources :

http://www.jeuneafrique.com/117530/archives-thematique/l-organigramme-fait-une-place-au-risk-manager/

http://www.africadiligence.com/gestion-des-risques-une-realite-economique-en-afrique/

http://www.argusdelassurance.com/risk-management/risk-manager-les-premiers-resultats-du-barometre-amrae.95013