L’adoption des normes IFRS et leur première application au courant des années 2000 avait relativement épargné les compagnies d’assurance. En effet, IFRS 4, en application depuis 2005,  permettait à celles-ci de maintenir des règles comptables locales pour les contrats d’assurance, à quelques particularités près. L’objectif semblait plus de faire entrer les assureurs dans le cadre des IFRS à la date prévue, c’est-à-dire au 1er janvier 2005. La réflexion autour d’une norme IFRS 4 phase 2 a été initiée depuis quelques années. La version définitive n’a pas encore été adoptée, mais l’on sait d’ores et déjà qu’elle sera applicable au 1er janvier 2018.  Quelles sont les nouveautés et particularités de cette directive ?

 A l’origine IFRS 4, une norme transitoire

Élaborée en 2004, IFRS 4 dans sa première version n’a pas constitué une révolution dans le monde de l’assurance même si elle a apporté des éléments nouveaux. Elle imposait la communication d’informations supplémentaires en annexe, afin de mieux comprendre les chiffres publiés dans les états financiers.

La principale innovation de cette norme a été l’introduction de la notion de fair value (ou juste valeur) dans la valorisation des actifs des assureurs. La fair value désigne la valorisation des éléments du bilan (actifs uniquement dans le cadre de IFRS 4) sur la base d’une estimation de leur valeur de marché ou valeur d’utilité. Cette innovation marque une rupture avec le principe du coût historique (valeur d’introduction au bilan), qui était jusque-là appliqué. Elle ne s’applique tout de même pas à l’ensemble de l’actif. Seuls certains éléments de l’actif immobilisé (haut de bilan) étaient concernés : les instruments financiers n’ayant pas vocation à être détenus jusqu’à leur échéance.

La valorisation de l’actif à sa juste valeur laisse supposer une valorisation du passif selon le même principe. Pourtant, et c’était là l’un des principaux écueils de cette norme, cela n’était pas le cas dans la version originelle d’IFRS 4, qui prévoyait une comptabilisation des passifs en normes locales (coût historique).  De cette incohérence comptable découlant de l’asymétrie de traitement entre l’actif et le passif résulte alors un déséquilibre, autrement appelé « mismatch ».

Concernant la classification et la composition des contrats d’assurance, IFRS 4 ne proposait pas une analyse poussée. Or la notion de contrat d’assurance rassemble une grande diversité de contrats, qui va des contrats d’assurance dommage (qui indemnisent l’assuré lors de la survenance d’un événement défavorable) aux contrats d’épargne, qui se rapprochent plus par nature des investissements financiers. Cette diversité se reflète dans les traitements réglementaires, comptables et actuariels, selon des modèles qui peuvent différer. De plus, la norme de 2005 ne permettait pas de refléter fidèlement l’économie des contrats d’assurance, dont certains comportent effectivement une partie service, et une partie investissement.

 IFRS 4 Phase 2, pour plus de comparabilité entre les assureurs

Du fait de ces insuffisances, IFRS 4 apparaissait comme étant une norme transitoire. Après une première édition en 2010, l’IASB (International Accounting Standards Board) a relancé le chantier d’adoption d’une nouvelle norme en publiant un projet de loi sous la forme d’un exposé-sondage en juin 2013 (ED 2013/07). Ce dernier préfigure de ce que pourrait être la future norme définitive, censée être adoptée au premier semestre 2015.

En allant plus loin dans la décomposition des contrats d’assurance, et en proposant une vision économique de ceux-ci, IFRS 4 phase 2 se démarque de son prédécesseur.

L’objectif de la nouvelle norme est de parvenir à évaluer les passifs d’assurance sur la base de leur valeur de réalisation, alors qu’ils restent encore largement estimés en norme locale dans IFRS 4 Phase 1 (estimation au coût amorti en France).

Le passif en assurance désigne l’engagement de l’assureur à l’égard des assurés au titre des contrats qu’ils ont souscrits. Ainsi, avec IFRS 4 phase 2, l’actif comme le passif du bilan des assureurs seront en juste valeur.

 

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L’instauration d’une norme comptable commune et l’abandon des normes locales dans l’estimation des passifs permettra aux assureurs et aux différents acteurs du marché de comparer réellement leurs résultats. C’était l’un des principaux reproche adressé à la norme en vigueur : en se contentant de réguler le calcul de l’actif, nul ne pouvait avoir une vision claire de l’activité des assureurs. Même si l’accueil réservé à la nouvelle norme était mitigé lors de son annonce, les assureurs semblent désormais reconnaître que c’est là un progrès en termes de transparence.

 IFRS 4 phase 2 et Solvabilité II, vers un socle réglementaire commun ?

Concernant l’évaluation des contrats d’assurance, IFRS 4 phase 2 privilégie une vision prospective des cash flows, c’est-à-dire une évaluation de l’engagement de l’assureur dans le cas où le sinistre couvert viendrait à se produire. Il s’agit du best estimate liabilitity. Autrement dit, il s’agit de la moyenne pondérée en fonction de leur probabilité des futurs flux de trésorerie, compte tenu de la valeur temporelle de l’argent.

Si, sur ce point encore les assureurs étaient réticents à l’annonce de la norme, la convergence qu’ils voient aujourd’hui avec les travaux menés sur Solvabilité II tend à les convaincre de l’utilité de cette norme comptable. En effet, sous Solvabilité II, les passifs sont également déterminés selon la méthode du best estimate. Les assureurs pourront donc rationnaliser les coûts d’implémentation des deux normes. Mais c’est essentiellement la vision partagée par les autorités comptable et le régulateur européen qui est saluée par les assureurs.

Si la convergence entre les deux normes n’est pas compète, force est de constater que sur l’estimation des engagements des assureurs au moins, elles se rencontrent.

 IFRS 4 Phase 2 aujourd’hui

L’IASB prévoit de faire appliquer cette directive à partir du 1er janvier 2018, même si les discussions sont encore en cours pour la publication de la norme définitive. Cependant, comme le montre une enquête menée par le cabinet Deloitte, plusieurs acteurs du monde de l’assurance ont tout de même déjà commencé à se préparer, en vue l’adaptation de leur système d’information aux exigences de la nouvelle norme.

 

Avec tous les changements qu’elle implique, IFRS 4 phase II constitue en soi une révolution pour le secteur, bien plus qu’une simple évolution des normes comptables. Cette norme implique des concepts nouveaux, fondés effectivement sur une vision prospective reposant plus sur de nombreuses estimations que sur des éléments historiques observables. Cette approche est très novatrice dans le monde comptable, même si elle est de plus en plus utilisée dans le secteur de l’assurance pour le régime prudentiel Solvabilité 2 et tend à emporter l’approbation des assureurs même si quelques réserves demeurent.