Récemment encore, le Big data a été mis sur le devant la scène. Il fait notamment partie du rapport « Innovation 2030 » remis par Anne Lauvergeon, ancienne présidente du directoire d’Areva, au Président de la République. Le Big data est également un des 34 plans industriels de la nouvelle France industrielle.

Pourtant, et malgré de nombreux autres rapports ou articles de presse vantant depuis plusieurs mois cette nouvelle innovation numérique, le Big data ne ressemble pas encore à la révolution attendue. Les acteurs de l’économie continuent de collecter et de manipuler leurs données comme ils le faisaient il y a dix ans.
Des cas d’usages commencent à émerger (par exemple, la traque des fraudes à l’assurance maladie), mais le déploiement du Big data est encore loin d’être généralisé.
Alors, quels changements font que ce concept soit désigné comme un des grands chantiers de la France de demain, et que de nombreux articles y fassent référence ? Quels cas d’usages sont envisageables dans le monde de l’assurance, et lesquels faudrait-il privilégier dans un premier temps ?

Le Big data, une notion déjà mature, pour une innovation en devenir?

Le terme de « Big data » regroupe les technologies et les offres permettant d’exploiter de nouvelles possibilités d’analyse en corrélant des sources de données brutes jusqu’alors inexploitées (à cause notamment de leur Volume, leur Variété et la Vitesse à laquelle elles sont collectées – les fameux 3V du Big data).
Doug Laney du Gartner avait introduit, dès 2001, cette notion :
« Current business conditions and mediums are pushing traditional data management principles to their limits, giving rise to novel, more formalized approaches. »
Le Big data n’est donc pas une notion nouvelle, mais plutôt un concept d’actualité. Les technologies le supportant arrivent à maturité et les opportunités business associées se font de plus en plus concrètes.

Big data : une technologie au service des transformations en cours dans l’assurance

Mais qu’est ce qui a bien pu changer ces dernières années pour faire du Big data un concept d’actualité ?

Tout d’abord, c’est aujourd’hui une évidence, la connaissance et les moyens de l’obtenir se sont profondément transformés. L’assureur, qui détenait un savoir de par la mutualisation des risques, découvre qu’émergent de nouveaux moyens d’obtenir des données.

Ensuite, le monde de l’assurance évolue fortement avec, par exemple, la transformation de la relation client (introduction du multicanal notamment), pour laquelle les assureurs doivent continuer à innover : individualisation de la relation avec leurs assurés, personnalisation des tarifs, segmentation plus fine de produits, …

De nouveaux moyens de collecte des données émergent, de nouveaux besoins métiers également, une transformation est en cours. Le « Big data » est la technologie permettant d’adresser ces enjeux.

Il revient toutefois aux assureurs de définir les cas d’usages les plus à même de contribuer à cette transformation. De multiples possibilités sont envisageables, la plupart restent à inventer. J’en retiendrais pour autant trois dans un premier temps :

  • Affiner les campagnes de marketing direct

…en vue d’améliorer les taux de retours. Améliorer la connaissance des individus afin de mieux valoriser les bases clients et prospects dans le but de mettre en œuvre des actions plus pertinentes et moins envahissantes.
On peut par exemple imaginer que dans un avenir proche, les assureurs tirent parti des bases clients riches, précises et particulièrement segmentées des réseaux sociaux.

  • Personnaliser la tarification

…en collectant et en exploitant en temps réel les données comportementales des assurés (ex : fréquence de pratique d’un sport, km parcourus avec une voiture, etc.). Les tarifs des produits peuvent alors évoluer en temps réel et de façon automatique en fonction du comportement des assurés pour passer d’un mode de fonctionnement « payer ce que vous déclarez » à « payer ce que vous utilisez ».
Au-delà d’assurances automobiles au kilomètre fonctionnant sur du déclaratif (notion de forfait kilométrique), le Big data permettra d’ajuster la tarification au comportement réel et ainsi simplifier la relation avec l’assuré et optimiser les cotisations.

  • Détecter les fraudes

En effet, en exploitant toutes les sources de données possibles, que ce soit celles historiquement analysées (rapports d’expertise, historiques de fraudes, dépôts de plaintes, …) ou nouvellement possibles grâce au Big data (forums, échanges avec le service client, réseaux sociaux…), tous ces faits pourraient enfin être corrélés et analysés conjointement. L’assureur serait en mesure d’identifier les signaux faibles à même de le faire réagir à temps et de limiter les impacts financiers de ces fraudes.
Au regard des coûts gigantesques estimés pour la fraude à l’assurance, le Big data permettra pour sûr des retours sur investissement conséquents, qui justifient à eux seuls de se lancer dans cette technologie.

  • Mieux capter les besoins des clients sur Internet, anticiper les sinistres/épidémies en vue d’actes de prévention, etc. D’autres cas d’usages sont envisageables et sont à imaginer par les assureurs en vue de valoriser les données dont ils disposent déjà.

Big data analysis illustration

Ainsi, plus qu’une technologie, le Big data est une opportunité pour l’assureur. Elle doit lui permettre, s’il s’en saisit, de réinventer ses process et d’innover afin de fidéliser sa clientèle et d’en capter de nouvelles. Les cas d’usages liés à la tarification voire au marketing sont ainsi à privilégier dans un premier temps.
Mais il conviendra également de prendre en compte les inquiétudes que cela fait naître dans le grand public vis-à-vis des données manipulées, ce qui fera l’objet d’un prochain éclairage…